Magota le laisse franchir la ligne
Novembre 1007.
Magota poussa la porte de sa petite chambre pour tomber nez-à-nez avec le Comte d'Uzel.
« Mon Seigneur, mais que faites-vous ici ? »
Elle réalisa alors qu'il ne paraissait pas dans son état normal. A vrai dire, elle aurait juré le voir sangloter.
« Je cherche un peu de répit, Magota, juste un peux de répit. » dit il en fondant en larmes.
Magota songea à sa maîtresse qui ne l'appréciait déjà pas beaucoup. Que penserait-elle si elle voyait le Comte dans sa chambre ? Pétrifiée à l'idée de commettre une erreur, elle resta dans l'encadrement de la porte, laissant une occasion à son maître de sortir et faire comme si rien ne s'était passé.
« C'est ce bannissement. Je vois bien que je déçois ma Pétronille alors qu'elle m'a donné l'héritier que je souhaitais tant. Et qu'obtient-elle en échange ? Le courroux du Roi. Et par ma faute ! »
Voir le Comte se conduire ainsi était vraiment gênant. Elle ne savait plus si elle devait rentrer pour le consoler ou partir le temps de le laisser reprendre contenance et sortir dignement. Elle aurait volontiers oublié cet épisode et n'en jamais plus parler. D'un autre côté, elle avait du mal à imaginer cet homme pleurant seul dans cette petite chambre. Elle rentra et ferma la porte derrière-elle.
« Allons, Mon Seigneur, vous ne devez pas vous mettre dans des états pareils. » dit elle d'une voix maternelle en posant sa main sur son épaule.
Le Comte la regardait de ces petits yeux bleus. Souvent, elle avait bien rit avec les paysans d'Uzel qui le comparaient à un porc: de petits yeux renfoncés, les cheveux blonds et gras, et cet excès de graisse qui entourait la moindre partie de son corps. Mais aujourd'hui, elle ne pouvait se résoudre à le moquer, même dans sa tête. Après tout, il avait de grandes responsabilités et devait tout assumer seul.
Elle laissa tomber sa main, réalisant que le contact physique avait été plus long que nécessaire et surtout particulièrement gênant. Qui était-elle pour réconforter ainsi son maître comme un simple petit garçon qui serait tombé en courant ?
Il posa sa main à l'endroit même où elle avait posé la sienne, ferma les yeux et poussa un petit grognement de satisfaction.
« Vous savez consoler un homme » dit il doucement. « Continuez. »
Magota ne savait pas vraiment ce qu'il voulait dire. Dans le doute, elle remit précipitamment sa main sur son bras grassouillet. Cette fois-ci, il rouvrit les yeux et approcha son visage.
« Vous êtes vraiment très belle. »
Cette fois-ci, la ligne était franchie. Elle retira à nouveau sa main et pria pour qu'il quitte maintenant sa petite chambre avant que la Comtesse n'arrive.
« Vous n'avez rien à craindre. Pétronille est au marché avec les enfants. »
Il leva sa main et caressa l'épaule de Magota. Pourquoi ne pouvait-il pas partir maintenant ? N'avait-il pas des choses importantes à régler ? Si seulement des paysans venaient lui demander une audience …
Il approcha son visage et ferma les yeux, ses deux mains caressant ses hanches. Elle savait ce qui allait arriver. Elle le craignait plus que tout. Mais le Comte était son maître, et si elle ne voulait pas se retrouver à la rue, elle devrait faire selon sa volonté.
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