Hugues calme les ardeurs de Richard
Août 1009.
« Nous avons un nouveau Pape ! » dit Richard, aussi enthousiaste que s'il avait reçu un nouveau cheval. « Cela dit, je n'avais rien contre Jean XVIII. Après tout, c'est lui qui m'a aidé à faire ce mariage si important avec Sophia. Mais le pauvre bougre aura fini par abdiquer. »
« Les temps sont durs à Rome. » répondit le Duc qui avait également eut écho de la situation par ses informateurs.
« Plus encore qu'il n'y paraît, Hugues, bien plus encore. Les Sarrasins sont aux portes de la Sicile. »
« Hum. » grogna le Duc. « Et le nouveau Pape ? Peut-on espérer que ces messieurs en robe ont élu un homme d'action ? »
« Malheureusement, c'est encore un pantin des Crescentii à ce qu'il paraît. »
Hugues ne se souciait pas réellement de religion tant que la religion ne se souciait pas de lui, mais cette succession de Papes à la botte des patriciens de Rome ne lui plaisait pas du tout. Il n'était jamais bon que trop de pouvoirs tombent entre les mains d'un seul homme. Et si Giovanni Crescenzio pouvait aujourd'hui contrôler la papauté, il pourrait demander contrôler le monde.
« On dit qu'il s'appelait Buccaporci ! » ria Richard. « Museau de porc ! Pas étonnant qu'il ait troqué son nom contre Serge IV ! »
« Vous ne vous inquiétez pas d'avantage que ça de l'influence des Crescentii à Rome ? »
« Serge IV n'est peut-être qu'un pantin, mais il semble vouloir faire changer les choses. Vous l'ignorez peut-être, mais le calife Al-Hakim a fait détruire le Saint-Sépulcre à Jérusalem. »
« Seigneur ! » s'écria Hugues en se signant.
Il n'avait certes pas beaucoup de religion, mais il ne pouvait tolérer les profanations de ces Sarrasins qui persécutaient les chrétiens sans relâche ces derniers temps.
« Le Pape a déjà rédigé une bulle demandant à ce que l'islam soit éradiqué de la Terre sainte et je ne pense pas que le consul de Rome soit derrière tout ça. Le vent de la révolte est en marche, mon ami ! » s'écria-t-il.
« J'aimerai en être aussi convaincu que vous. »
« J'en ai longuement parlé avec le Père Giovanni et j'ai beaucoup réfléchi à ce sujet. J'ai dans l'idée d'écrire au Pape pour l'inviter à déclarer la guerre à ces infidèles. Ce serait une belle occasion de partir guerroyer ensemble, cher Duc ! Je me languis du calme de cette île. Même les Vikings ne viennent plus narguer nos rochers ! »
La Reine Sophia devait être vraiment terrible, songea Hugues, si le Roi préférait partir en guerre à l'autre bout du monde plutôt que de devoir rester à ses côtés.
« Et qu'iriez-vous faire à Jérusalem ? Libérer le tombeau de Christ et vous déclarer Roi ? Ce serait une expédition insensée. Aucun d'entre-nous n'en reviendrait vivant ! Faites-vous une raison, mon ami, jamais les rois chrétiens n'iront guerroyer en Terre sainte ! »
« Vous avez sans doute raison. Et pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que quelque chose est en marche. Après tout, ces Sarrasins ne respectent pas la Paix de Dieu à laquelle l'Église nous invite. Ils massacrent des pauvres sans défense. »
« Ils ne sont pas chrétiens ! Pourquoi voulez-vous qu'ils respectent la Paix de Dieu ? »
« On m'a dit qu'ils avaient le même Dieu que nous... » répondit le Roi.
« Allons, Richard, oubliez ces histoires exotiques et théologiques, et descendons plutôt dîner. Car je connais le remède à tous les soucis d'un homme : un bon repas auprès de jolies femmes ! »