Le secret de Mariot est découvert

30 janvier 2011

Mai 1014.

Le jour du marché à Pradvael était généralement le jour préféré d'Alan. Ses ventes de pommes et de fèves doublaient et il pouvait parfois acheter un morceau de lard à mettre dans la soupe du dimanche. Mariot venait également depuis l'île de Kervignag pour y vendre ses poissons et elle fut touchée par la tristesse qu'éprouvait toujours Alan cinq ans après la mort de sa femme. Bleidbara l'avait quitté il y a cinq ans également, mais elle avait réussi à se relever. Il fallait bien continuer à vivre, et il y avait le petit Blanmare dont elle devait s'occuper. D'un autre côté, Alan et Landina avaient été mariés depuis bien plus longtemps qu'elle et Bleidbara, songea-t-elle.

"Les ventes ont été bonne, hein, Alan ?" dit elle l'air de rien.

"Pour sûr. Et pour toi et le p'tit ? Tout c'est bien passé ?"

"Alan, pourquoi tu continues à faire comme si tout allait bien ? On voit tous au marché qu'ça va pas bien pour toi."

"Les cultures sont bonnes, Mariot, j'peux te l'dire."

"Je parle pas des cultures, tu l'sais bien. T'es tout seul avec tes deux filles... Tu crois pas qu'y leur faudrait une mère aux p'tites ?"

"Ah, ça ! Elle est bien bonne ! Tu viendrais m'faire la morale toi maint'nant ? Et pourquoi qu'tu t'remaries pas, hein ? Tout le monde sait que personne voudras plus t'épouser depuis que t'es la putain du duc !"

"De quoi tu parles ?" s'écria Mariot, sentant son visage devenir rouge de honte.

Jamais elle n'aurait crû que les gens aux villages parlaient d'elle et encore moins qu'ils seraient au courant des visites fréquentes du duc. Malgré la naissance de son héritier, il semblait prendre un grand plaisir à descendre à sa cabane presque chaque soir pour coucher avec elle.

"J'vois pas du tout d'quoi tu parles, Alan Kantieg !"

"Tout c'que j'en dis, c'est qu'tu d'vrais t'remarier. Un homme honnête laisserait jamais l'duc venir te voir. A moins que ce soit c'que t'aimes, dans l'fond..."

"Tout ça c'est des histoires ! Tu sais bien que j'fais rien avec l'duc."

"C'est pas c'que dis la matronne du village. Elle dit qu't'as déjà perdu un bébé et il paraît que t'en aurais un autre. Ce sont les enfants du duc, tu peux pas dire le contraire."

"Bien sûr que j'dis le contraire ! Tu devrais arrêter d'écouter les commérages et te trouver une femme, elle mettrait un peu d'bon sens dans ta tête de roche !"

Mariot se mordit les lèvres pour s'empêcher de pleurer et tourna le dos à Alan, partant à grands pas vers le port. Arrivée au niveau du bois, elle s'arrêta et s'assit sur une souche. Les larmes coulèrent alors à flot. Alan avait raison dans le fond et elle était bien à nouveau enceinte du duc. Ce qui la terrifiait, c'est que tout le monde au village semblait être au courant. Elle devrait peut-être se trouver un mari avant qu'ils ne fassent une expédition pour la lyncher. De plus en plus de paysans allaient à l'église et leur prêtre semblait ne pas tolérer que les femmes non mariées aient des enfants. Elle devait trouver un mari avant que sa grossesse ne se voie davantage. Elle le devait pour le petit Blanmare et pour protéger son bébé à naître.