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Le Royaume de Pradvael
19 septembre 2009

Dub Lemna affronte une tempête de plus

Avertissement : Certains propos ou certaines images dans ce chapitre sont à même de choquer la sensibilité des plus jeunes lecteurs.

Août 995.

1

Dub Lemna fredonna sa chanson favorite tout en préparant le porridge pour le déjeuner. Affiath allait bientôt rentrer et il était toujours de bonne humeur quand elle lui préparait des plats de leur pays.

2

Elle était impatiente de le voir rentrer comme chaque midi de sa forge. Elle le corrigerait sur ses mains couvertes de suie et l'enverrait se débarbouiller avant le déjeuner. Elle en profiterait pour lui glisser un baiser et sentir cette odeur si particulière de métal qui ne le quittait jamais.

 

Mais lorsqu'elle vit Affiath tituber en ouvrant la porte d'entrée, elle comprit qu'il n'avait pas passé la matinée à la forge, mais à la taverne du port. Affiath pouvait être d'humeur changeante quand il avait bu. Elle allait devoir faire attention à ne pas l'énerver.

3

« Tu as vu, a chroidhe, je t'ai préparé du porridge, comme tu l'aimes. » dit elle d'une voix nouée.

Elle n'entendait plus que la pulsation de son propre cœur, guettant le moindre signe de son mari. Elle commença à se détendre lorsqu'elle vit un sourire s'afficher sur son visage.

4

« Et je t'en remercie, a chroidhe. » dit il en affectant une révérence.

Dub Lemna n'était pas vraiment sûre du ton avec lequel il avait prononcé ces derniers mots d'affection. Il semblait ironique. Son instinct pressentait le calme avant la tempête.

« Tu as passé une bonne matinée ? » demanda-t-elle, se rendant compte trop tard qu'elle amenait la conversation sur un sujet qu'elle aurait préféré éviter.

5

« Qu'est-ce que tu veux insinuer ? »

« Ri ... rien, je ... Je voulais juste savoir comment s'était passée ta matinée ... à la forge. »

Dub Lemna se rendit compte qu'il était trop tard. En moins de cinq minutes, elle avait réussi à sceller son destin. Et pourtant, elle devrait essayer d'apaiser son mari.

6

« Tu dois avoir beaucoup de clients maintenant que tu collabores avec le Roi. Toute l'île doit déjà avoir entendu parler de tes prouesses. On raconte que la couronne de la Reine Alix est plus belle que celle de la Reine des Francs. »

Les traits d'Affiath semblaient se relâcher. Dub Lemna fut soulagée de voir que quelques flatteries avaient fait l'affaire.

7

« Tu pourrais peut-être lui faire d'autres bijoux... » dit elle avec un sourire timide. « Je suis sûre que la Reine serait très heureuse et elle pourrait te récompenser. »

« Ça suffit, femme ! »

Dub Lemna retint sa respiration de peur que le moindre mouvement ne déclenche la tempête. Pourquoi fallait-il qu'elle gâche systématiquement tout ? Elle aurait mieux fait de ne rien dire. Mais quand elle restait silencieuse, il la blâmait de ne pas savoir le distraire alors qu'il rentrait de sa forge.

8

« Y a-t-il un quelconque honneur à mendier les bonnes faveurs de la Reine ? Je laisse ça aux courtisans. Ce n'est qu'une bonne femme, et Dieu sait qu'elles sont stupides et inconstantes ! Je préfère travailler pour le Roi. »

9

Dub Lemna força un nouveau sourire en espérant apaiser la colère de son mari.

« Qu'est-ce que tu y connais, toi ? Dub Lemna, fille de Gébennach ! » dit il avec une once de mépris dans sa voix, comme si elle n'était pas digne d'épouser un homme du clan mac Dinertaig.

10

Elle ferma les yeux, restant immobile pour affronter la tempête. Comme lorsqu'elle était petite fille et que sa mère l'emmenait nager pour affronter les vagues, même lorsqu'il pleuvait. Dub Lemna avait été élevée pour être une femme forte comme toutes les femmes d'Écosse. Elle survivrait à cette tempête comme elle l'avait fait maintes fois auparavant.

11

« Alors, dis moi ! As-tu un conseil à me donner sur comment mener mes affaires au château ? » demanda-t-il en désignant le donjon de Pradvael. « Je devrais sûrement plus t'écouter, femme ! » vociféra-t-il. « Après tout, je ne suis que ton bon à rien de mari. Même les paysans rient de la façon dont tu me parles en public. »

« Affiath, je ... »

« Ça suffit ! » hurla-t-il. « Je ne te laisserai plus jamais me parler de la sorte. Tu vas comprendre qui est le maître dans cette maison. »

12

Dub Lemna se leva pour débarrasser leurs bols vides, espérant échapper à l'inévitable. Elle sentit la présence de son mari derrière elle tandis qu'elle rinçait les bols de terre. Elle sentait son haleine chargée d'alcool, ses vêtements puant le poisson qui s'amoncelait dans le port. Elle sentait son regard sur ses hanches, ce regard chargé de désir et de violence.

13

Lorsqu'elle se retourna, elle vit le visage rayonnant de son mari, beaucoup plus proche d'elle qu'elle ne l'avait senti. Affiath avait le don de marcher avec la discrétion d'un chat. Elle se prit à croire à sa clémence. Peut-être que tout cela n'avait été qu'un mauvais rêve.

« Affiath, tu sais à quel point je te suis dévouée, je ... »

14

Il éclata de rire, levant les yeux au ciel. Dub Lemna ne savait ce qu'elle devait penser ou croire. Allait-il tout oublier ou était-ce à nouveau un piège ? Comme les vagues de la Mer du Nord, Affiath était imprévisible. Fascinant et terrible à la fois.

15

« Tu n'as pas compris ce que je viens de dire, femme ? N'ouvre plus la bouche ! Du moins, pour parler. » ajouta-t-il avec un petit sourire bien plus dérangeant que le précédent. « Je suis ton mari ! Tu me dois obéissance et soumission ! Plus de conseils ! Plus de remarques devant d'autres personnes ! »

16

Il la saisit si brusquement qu'elle perdit complètement pied. Elle était coincée entre lui et le mur. Elle était emprisonnée et n'avait aucun moyen de lui échapper. Elle regarda instinctivement la lourde porte d'entrée. Elle se demandait combien de temps il lui faudrait pour l'attendre, et réussir à l'ouvrir. Et ensuite, courrait-elle assez vite jusqu'aux bois pour qu'il ne puisse plus la trouver ?

17

Mais l'étreinte puissante de son mari lui fit réaliser qu'elle ne pourrait pas s'enfuir. Il l'aurait rattrapé avant qu'elle atteigne la porte et lui ferait regretter d'avoir cherché à s'échapper. Si elle le laissait faire, peut-être se calmerait il. Sa mère lui avait toujours dit que le seul pouvoir d'une femme en ce monde était ses charmes, et que ce pouvoir pouvait permettre de contrôler le plus terrible des maris.

18

Dub Lemna s'abandonna à lui lorsqu'il embrassa son cou et ses seins que sa respiration haletante faisait se mouvoir sous sa robe. Des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues.

« Sortons de cette cuisine. Je veux pouvoir te contempler. »

19

Dub Lemna marcha d'un pas lent, comme celui des hommes qu'on allait pendre et qui espéraient retarder l'échéance en se rendant à la corde le plus lentement possible. Seulement, il n'y avait ni prêtre, ni foule en colère. Elle était seule.

« Voilà qui est mieux. » dit Affiath, le regard vitreux balayant son corps d'une manière insoutenable.

Elle pouvait sentir son regard se poser sur elle comme un tissu râpeux dans lequel on l'enveloppait de force.

21

« Enlève ta robe » rugit-il, essayant de défaire les lacets lui-même.

« Je vais le faire, Affiath. » dit elle d'une petite voix.

Elle ne voulait pas garder à jamais le souvenir de ses mains sur cette robe qu'elle aimait tant. Elle n'avait plus que ces petits souvenirs matériels auxquels se raccrocher. Ces souvenirs d'avant leur arrivée ici, d'avant qu'Affiath ne commence à boire.

22

Elle était maintenant presque nue devant lui. Nue et vulnérable. La porte était là, derrière elle. Elle n'avait qu'à l'ouvrir et courir, mais elle n'aurait jamais osé partir ainsi vêtue, et Affiath le savait bien. Il vit néanmoins le bref regard qu'elle avait porté vers la sortie et la frappa violemment au visage.

23

« Tu voudrais t'enfuir, hein ? Petite catin ! Épouse ingrate ! Regarde cette maison ! Tes robes, tes bijoux ! Avec quel argent avons nous obtenu tout ça ? Avec mon travail ! Et tu dois m'en remercier. Sur le banc ! »

24

« Affiath, je t'en prie. » sanglotta Dub Lemna.

« Obéis ! » hurla-t-il en la frappant à nouveau.

Le choc la projeta sur le banc et elle sentit les os de son dos heurter violemment le bois. Affiath se jeta sur elle comme un loup affamé.

25

Elle essaya de se relever en se tenant à lui. Déjà ses mains étaient sur ses cuisses.

« Ton rôle est de porter mes enfants ! » dit il en l'embrassant si violemment qu'il lui faisait mal. « Et tu vas en porter autant que je le désirerais. »

Dub Lemna essaya de dire quelque chose, mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Elle n'arrivait plus à parler. Elle ne pouvait même pas crier. Elle était pétrifiée.

26

Elle sentait le corps d'Affiath se rapprocher de plus en plus. Il souleva son kilt. Elle ne voulait pas imaginer que son premier enfant serait conçu ainsi. Comment pourrait-elle l'aimer ? Le kilt d'Affiath râpait la peau blanche et douce de son ventre. De ce ventre qui tôt ou tard porterait les fils d'Affiath.

27

Sa tête heurtait le bois de l'accoudoir à mesure que les mouvements de bassin d'Affiath se faisaient plus rapides et plus violents. Il était en elle et tout son corps était meurtri de bleus. Elle essaya de se cramponner à lui pour se cogner le moins possible au meuble.

28

Mais déjà, c'était fini. Dans un ultime mouvement, Affiath poussa un grognement de satisfaction et partit, la laissant sangloter, seule et nue sur le banc. Dub Lemna s'effondra au sol et pleura, pleura, comme si chaque larme avait le pouvoir d'effacer ce souvenir à jamais.

< Dwyai s'inquiète pour Leurs Majestés

Dagena découvre le palais d'un potier >

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Commentaires
P
Heureusement que certaines femmes sur l'île sont mieux considérées par leurs maris. Mais c'est vrai que cette scène que vient de vivre Dub Lemna devait se dérouler malheureusement bien souvent à l'époque. Cela nous permet peut-être de comprendre son attitude avec les autres.
L
Ce n'était pas une sinécure d'être une femme à cette époque !
Le Royaume de Pradvael
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