Dagena découvre le secret d'une princesse
Avril 1001.
« Et voici ma modeste demeure. Je suis sûre que lorsque je vous ai proposé de vous inviter à mon tour, vous ne vous étiez pas attendue à une si petite maison ! »
« En fait, j'avais déjà aperçu cette maison quand j'étais chez mon ami Frotlina. » répondit Dagena avec un sourire.
« Pour tout vous avouer, j'étais horrifiée quand je suis arrivée ici, mais avec quelques rideaux et quelques tapis, j'en ai fait un lieu presque habitable. »
« Je suppose que votre vie est différente depuis votre mariage. »
« Je crois que c'est le sort de beaucoup de femmes. Je vais vous dire, vous avez beaucoup de chance d'avoir engagé votre fille au Vicomte d'Uzel. »
« Le pauvre n'est pas encore né qu'il doit déjà épouser ma fille ! » pouffa Dagena.
« Peut-être, mais votre fille a l'assurance de devenir comtesse lorsqu'elle sera adulte. Vous avez assuré son avenir et sa condition. Mes parents n'ont pas su en faire autant … » ajouta Donada, comme pour elle-même. « Vous resterez bien déjeuner. Affiath va rentrer de la forge d'une minute à l'autre. »
Dagena avait promis à Donada de venir lui rendre visite à Pradvael. La pauvre ne semblait pas savoir vers qui se tourner. Ce n'était plus une princesse, mais beaucoup de gens continuaient de la traiter comme telle. C'était une femme de chef de clan, mais elle n'avait aucun statut en Pradvael. Dagena s'était prise d'affection pour elle, même si Donada n'avait de cesse de se raccrocher à un passé désormais révolu, au risque de souffrir davantage.
« Si Donada m'avait dit que nous avions de la visite, Votre Grâce, croyez bien que je me serais débarbouillé avant de partir de la forge. »
« Votre femme ne mérite-t-elle pas à elle seule cet effort ? » demanda Dagena pour le taquiner.
Elle voulu partager un regard complice avec Donada qui regardait fixement son assiette. Visiblement, elle avait touché un point sensible.
« Affiath travaille beaucoup en ce moment. » l'excusa-t-elle.
« Et c'est pour elle que je me démène autant. »
« Affiath, non ... »
« Quoi ? Nous pouvons bien lui en parler, non ? »
Il se tourna vers Dagena et ajouta : « Le Roi m'a promis de m'anoblir si j'étais méritant par mon travail. D'ordinaire, je ne cours pas après les honneurs, mais étant donné le passé de Donada... »
« Affiath, nous n'avons peut-être pas besoin d'embêter la Duchesse avec ces histoires. »
« A vrai dire, j'aurais besoin de nouveaux bijoux pour ma fille. Bien sûr, elle n'est pas encore en âge d'en porter, mais les enfants grandissent si vite ! S'ils sont satisfaisants, je pourrais peut-être en toucher deux mots à la Reine... »
Dagena n'aimait vraiment pas se retrouver dans ce genre de situation où elle devait faire valoir son rang, mais il lui semblait qu'il valait mieux clore cette conversation que d'ajouter davantage de gêne pour Donada. Ce pauvre Affiath ne se rendait pas compte à quel point il se montrait indélicat. Et s'il se conduisait ainsi chaque jour, ce n'était pas étonnant si Donada était tellement perturbée par sa condition.
« N'est-ce pas là une merveilleuse idée ? »
Dagena voyait bien que Donada faisait semblant de s'enthousiasmer pour cette idée. Entre femmes du même monde, elles savaient mieux que quiconque manier l'art de détourner une conversation.
« La Duchesse et moi allons faire quelques croquis et je te les apporterais à la forge quand ils seront terminés. Voulez-vous bien me suivre, Votre Grâce ? Nous pouvons nous installer dans ma chambre, j'y ai une plume et des parchemins. »
Voilà donc comment Donada s'y prenait pour éviter les terribles colères d'Affiath, songea Dagena. Plutôt que de les affronter de face, solide comme un roc, elle les esquivait avec grâce. Mais pour combien de temps ?
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Creada évite un sort funeste >